LE TOIT TAILLIBERT – UN TOIT OUVRANT
Connaissez-vous vraiment le Toit mobile Taillibert annoncé par la Ville de Montréal en avril 1972 ?
Je veux « faire simple », en termes compréhensibles, conscient que des milliers de Québécois veulent savoir ce qui ne va pas avec le Toit du Stade.
Le vrai Toit mobile qui devait couvrir notre Stade
Le monde entier applaudit.- Le 6 avril 1972, Montréal alors seule « maître à bord », révélait au monde entier son Stade Olympique avec un Toit révolutionnaire conçu par l’architecte Roger Taillibert. Les Québécois et les journalistes venant de tous les continents sont restés bouche bée tellement cet Ensemble était spectaculaire, du jamais vu, une première mondiale. Jamais un architecte n'avait conçu un Stade avec un toit ouvrant aussi grand, quelques 190,000 pieds carrés.
Montréal avait réussi un coup de maître en engageant M. Taillibert, le seul architecte dans les années 1970 qui
construisait des toitures légères sur des piscines avec toits rétractables. Il existait une saine compétition au
niveau des toitures légères entre l’allemand Frey Otto, père spirituel de la structure légère, qui construisait des
toits fixes en verre acrylique tels le Stade de Munich et le toit du
Pavillon de l’Allemagne à Expo 67 et M. Taillibert, qui avait réalisé des centres de natation avec toiture mobile
faite d’une membrane translucide en polyester armé. En mars 1971, j’ai visité sa piscine de Carnot à Paris
(inaugurée le 9 novembre 1967), muni d’un tel toit léger que l’on ouvrait l’été selon les températures extérieures.
Respect des règles olympiques.- Le Toit de notre Stade comprenait
une partie fixe pour couvrir tous les spectateurs et une
partie mobile rétractable au centre, de façon à respecter les règles olympiques. Les Jeux devaient se dérouler dans un Stade « ouvert » et tous toits ne devaient jamais déborder verticalement au dessus de la piste intérieure d’athlétisme de 400 mètres.
Nos Expos et la toiture mobile.- Une donnée additionnelle de notre
principal locataire qui l’utiliserait 82 jours par année et quelques 2 millions de spectateurs, M. Charles
Bronfman, propriétaire de nos Expos, s’était aussi exprimé qu’il souhaitait que le Stade soit couvert en début et fin de saison vu la mauvaise température, mais découvert durant les belles journées d’été.
Le Toit mobile Taillibert répondait aux critères d’un Stade ouvert pour les Jeux et d’une enceinte fermée pour une utilisation polyvalente de 12 mois par année.
La partie fixe de notre Stade
La toiture fixe du Stade au dessus des gradins se divise en deux.
Parc des Princes - Structure de la couverture
avant la pose des panneaux
Cliquez sur la photo pour agrandir
Coupe d’une console – Voir les points 1 et 4.
Cliquez sur la photo pour agrandir
La partie avant des consoles, constituée de profils en tôle d’acier
galvanisé d’une épaisseur de 1,5 mm et pré laquée, ceinture l’anneau technique. Les poutres métalliques de cette toiture sont obtenues par le pliage à froid sur le chantier d’une feuille continue de métal de 1,2 m de large avec une machine à galets. Une même bande pouvait ainsi servir à produire des poutres de dimensions variées. Ces profils peu coûteux, en forme de C, sont assemblés dos à dos, formant des poutrelles en H qui reposent librement sur des appuis filants boulonnés dans le côté des fléaux (bras avant des consoles) au moyen de profilés d’acier en forme de Z. Une membrane d’étanchéité traditionnelle recouvre ces poutrelles, du type cuivrée pour éviter la corrosion.
Cette méthode de fabrication ingénieuse et extrêmement économique fut mise au point par l’architecte Taillibert lors de la construction du Parc des Princes. Cette partie avant des consoles couvrant les spectateurs devait répondre aux impératifs techniques suivants : Légèreté pour limiter les contraintes sur les fléaux – capacité d’adaptation aux surfaces gauches à couvrir – souplesse permettant l’absorption de ses importantes variations thermiques et de celles des fléaux – capacité de résister à l’usure du temps et de correction acoustique du son émanant des cris des spectateurs.
La partie arrière des consoles consiste en un voile mince de béton entre la goulotte inférieure (point 1 sur la photo) et la goulotte supérieure (point 4).
Le Toit mobile rétractable
Cette toiture comprend la quincaillerie de support et de fixation et la toile de kevlar. Telles les
voiles de bateaux où il faut éviter le faseyement, la toile doit être tendue pour éviter sa détérioration
ou sa rupture. Des câbles d’acier fixés au haut du Mât supportent la toile de Kevlar à l’aide de
moufles et les ancrages installés au bout des consoles assurent un arrimage automatique pour tendre
la toile.
La toile Taillibert faite de kevlar.- La toiture mise au
point par M. Taillibert avait été parfaitement étudiée à partir d’un matériau Tolvar
(Kevlar 49, famille des polyamides aromatiques). Cette membrane fut « tissée » en
Allemagne chez Verseidag à partir de la fibre fabriquée par Dupont de Nemours International.
De nombreux essais permirent de mettre au point un textile avec la caractéristique de pouvoir
résister à la traction de 60 tonnes sur un échantillon de 5 centimètres, comparable à l’acier,
lui donnant les caractéristiques d’une dalle de béton et elle ne pèse que 40 tonnes. La difficulté fut de définir la géométrie de ce faux ellipsoïde et la découpure du textile et de faire réaliser des coutures ayant la même résistance. Une machine à coudre spéciale fut fabriquée pour arriver à ce résultat.
Les 18 000 m² de voilure se déployaient en 20 minutes. L’hiver, une lentille d’air chaud était prévue pour éviter tout dépôt de neige sur la voûte ainsi formée par la membrane textile. En fait, la cinématique comportait le mouvement de la toile, mais aussi sa mise en tension au moyen de vérins hydrauliques télécommandés. L’ensemble du mécanisme était logé dans un volume de réception en tête du Mât comportant les installations mécaniques et abritant la toile repliée.
Nous utilisons le mot « toile » à toutes sortes de sauce. Je veux dissocier la toile Taillibert du toit en téflon de Birdair qui serait percé à des centaines d’endroits.
Rappelons-nous ce qu’en écrivait l’Architecte Taillibert en 1972
dans la revue Rendez-vous76 - Montréal 3.
« La toiture mobile développant le plus grand toit mobile jamais adapté sur un tel bâtiment se justifie par la vocation “ tous temps ” du Stade.
Membrane tendue pouvant résister à des forces considérables, elle allie toutes les nouvelles techniques dans la création, tout en changeant de géométrie pour un système dynamique connu mais programmé.
Câbles et membrane couvrent près de 18 000 mètres carrés (190 000 pieds carrés) sans point d’appui. »
À la même date, dans la revue Montréal une ville olympique, il ajoutait :-
« Cette membrane, en dépit de sa légèreté, peut affronter les rigueurs des saisons inclémentes et se fixer en permanence au toit rigide. »
La quincaillerie du Toit Taillibert
Toutes les pièces mécaniques de supports et de fonctionnements avaient été étudiées et mises au point dans ses moindres détails par les ingénieurs de l’équipe Taillibert, notamment les moufles et les ancrages d’arrimage automatiques. Les ancrages étaient installés au bout des consoles lors des Jeux de 1976 et les moufles, tous fabriqués, attendaient d’être posés.
Voici deux photos d’un moufle et d’un ancrage que la compagnie fabricante Sepa Levage exposait à Paris en 1975.
Ancrage pour l’arrimage automatique
Cliquez sur la photo pour agrandir
|
Moufle et Ancrage de la toile
Cliquez sur la photo pour agrandir
|
Ancrages installés au bout des consoles
Cliquez sur la photo pour agrandir
Même si tout était prêt pour installation y compris la toile, il manquait « le crochet pour supporter le Toit mobile … le Mât ». Sur cette photo, nous voyons les ancrages installés au bout des consoles.
Ce n’est que neuf ans plus tard que la RIO octroiera le contrat du premier Toit mobile à la compagnie Socodec, filiale de Lavalin.
Conclusion.- Ce type de Toit qui faisait partie intégrante
de cette œuvre extraordinaire « Le Complexe Olympique » fut fabriqué entièrement alors que la Ville
de Montréal dirigeait seule le dossier, puis la RIO a tout jeté à la poubelle après les Jeux
et les $88,5 Millions des $147,42 Millions qu’il nous a coûtés.
Lorsque le gros chat de Québec bouffa la petite souris Montréal, le projet dérapa, les hésitations commencèrent et Québec fit patate avec ses essais de Toits. Lorsque tu ne sais pas, tu t’enlèves de là.
J’ai débuté l’écriture de ces textes en l’an 2000 pour produire un Livre sur l’histoire des Jeux Olympiques de 1976. Pour agrémenter la lecture, j’utilisais un gros chat lorsque je parlais du Gouvernement du Québec et une petite souris représentant Montréal. La situation découlant de ces images reflétait bien ce qui s’est réellement passé.
Québec et son CCJO
|
|
Montréal et M Drapeau
|
Il est plus que temps que nous revenions au projet original.
Claude Phaneuf, B.A., B.Sc.A.
Un des trois pionniers concepteurs du Parc Olympique et du Stade.
Membre de l'OIQ de 1962 à octobre 2006.
Mai 2010. Révisé Octobre 2010.