RENCONTRE DÉTERMINANTE AVEC M. PAUL DESROCHERS
Le 1er novembre 1971, une journée mémorable m’attendait. C’était journée de
fête à la Ville de Montréal et congé pour tout le monde, sauf pour
M. Drapeau et moi. En effet, M. le Maire m’avait demandé de le rencontrer
à 10 heures à son bureau de l’Hôtel de Ville en cette journée de la Toussaint.
J’étais habitué à de telles demandes puisque je le rencontrais tous les jours,
soirs et fins de semaine inclus pour des cas urgents. Je ne savais rien du
but de cette rencontre, ni quoi apporter.
Je me présentai à l’Hôtel de Ville comme à l’habitude par la porte arrière
du garage où un agent de sécurité m’ouvrit. Nous étions trois (3) présents
dans tout l’édifice, M. Drapeau, l’agent et moi. Rendu au bureau du Maire,
celui-ci me dirigea vers son salon privé où se tenaient les événements spéciaux.
Quelque chose de spécial allait sûrement se produire parce que nos rencontres
se tenaient toujours dans son bureau où à chaque fois que j’arrivais, c’était
le rituel : Les salutations de M. Drapeau. Je m’assoyais dans sa grosse
chaise de droite en avant de lui et je déposais ma mallette sur le siège de
gauche, de la paperasse il y en avait. Puis, c’était l’accord de « Duc »,
son gros chien toujours couché derrière lui. Aussitôt assis, il venait,
passait derrière moi et me sentait la main et le bras droit. Se voyant
« en pays de connaissance », il donnait son accord en me poussant le bras
légèrement (!!) vers le haut avec son gros museau. Quelle bonne bête !
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Ce matin-là , pas de rituel d’entrée ! La porte du salon était ouverte, celles de son bureau fermées. J’ai compris aussitôt que c’était une séance de travail spéciale. J’entrai dans le salon et j’attendis un peu nerveusement M. Drapeau. La porte séparant le salon du bureau s’ouvrit et M. Drapeau entra, précédé par M. Paul Desrochers. Pardonnez-moi mon ignorance, je ne connaissais pas M. Desrochers. Je n’étais pas un fervent de la politique active.
M. Drapeau me présenta M. Desrochers, à titre de représentant personnel du Premier Ministre du Québec Robert Bourassa et au même moment son téléphone sonna. M. Drapeau s’excusa pour aller répondre. M. Desrochers profita de cette absence et me bombarda de questions ? Devais-je répondre ? Je ne le savais pas. J’ignorais le but de notre rencontre. M. Drapeau ne m’avait rien dit. J’ai répondu quand même du mieux que j’ai pu, sans trop me compromettre !
M. Drapeau revint rapidement, tant mieux pour moi, et il me présenta comme suit : « M. Phaneuf, rencontrez M. Desrochers, le représentant personnel de M. Robert Bourassa. Il vient au nom du Gouvernement du Québec prendre connaissance de nos projets. J’aimerais que vous lui fassiez un résumé de nos projets et des critères de conception de notre Parc Olympique et du Parc Maisonneuve où nos principaux projets seront localisés. Nous avons tellement travaillé ces projets et vous les avez développés sur plan. Aujourd’hui je vous laisse la parole, expliquez-les en détails à M. Desrochers ».
J’étais flatté de cette confiance, mais surtout fier de pouvoir enfin expliquer à quelqu’un de l’extérieur nos projets et la conception du Parc Olympique et du Parc Maisonneuve de M. Drapeau. J’en connaissais tous les éléments puisque lui et moi, avions travaillé plusieurs mois sur chaque recoin de ces deux Parcs pour en venir à cette qualité de projets qui fut tellement soulignée par la suite.
Je déballai tous nos projets, Stade, Piscines, Vélodrome, terrains d’entraînement,
stationnements souterrains pour autos et autobus, etc., J’insistai sur nos efforts
pour optimiser les facilités en recherchant continuellement la solution la plus
économique et leur utilisation après les Jeux.
Puis, j’expliquai ce qu’était le Parc Maisonneuve où j’avais proposé l’intégration du Jardin botanique et ses grands espaces verts entre les rues Sherbrooke et Rosemont, au Parc Olympique.
Je précisai en détails notre Parc Olympique où à une extrémité près de Pie IX, nous retrouvions les sports professionnels, tels baseball, football, soccer, etc. et à la partie est, côté Viau, les sports amateurs, en réunissant un nouveau Centre polyvalent Piscines et Vélodrome, des terrains d’entraînement extérieurs au Centre Maisonneuve et à l’Aréna Maurice-Richard.
Quelle épreuve et quelle expérience, cette présentation fut pour moi ? Une heure de grande tension ! Pendant que je m’exécutais, M. Desrochers dormait ! Je me disais : « Je dois sûrement être ennuyant au point qu’il dorme, ou nos projets ne l’intéressaient pas ». Mais, je ne me laissai pas distraire et je continuai ma présentation sans broncher. Depuis mars 1971, j’avais déjà mis plusieurs milliers d’heures exclusivement sur ces projets du Parc olympique, et ce, en surplus de mon travail normal à la Ville. Lorsque vous avez travaillé sans relâche sur ces projets, durant sept (7) mois, les soirs, des nuits et fins de semaine entières, vous en connaissez les moindres détails et principalement les Pourquoi ceci ? Pourquoi cela ? Comment tel élément va coûter ? Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de plus économique ? Qu’est-ce que nous ferons avec tel élément après les Jeux? Lorsque votre patron est le grand patron de la Ville, un Maire de grande qualité, vous savez très rapidement où il s’en va et vous appréciez sa manière bien personnelle de travailler. C’était mon cas.
Vous pensiez que M. Desrochers dormait ? Eh bien ! Détrompez-vous. Dès que j’eus fini de parler, il se frotta les yeux et tranquillement il se mit à me poser une cinquantaine de questions. Pourquoi telle pièce ? À quoi telle pièce servira après les Jeux ? Combien de places assises dans le Stade, dans les Piscines ? Pourquoi une piste ici ou une aire de lancer par-là ? Par où arriveront les athlètes ? Et les journalistes et les dignitaires ? Etc.
M. Desrochers se déclara emballé par nos projets et nos deux Parcs. Merveilleux ! Emballant ! Ce projet mettra Montréal sur la carte du monde entier. Félicitations M. Drapeau. Bravo M. Phaneuf. J’avais réussi mes examens une autre fois et … M Drapeau était heureux !
Le Gouvernement du Québec, par l’entremise de M. Paul Desrochers, représentant personnel du Premier Ministre du Québec Robert Bourassa, prenait connaissance pour la première fois de notre conception du « Parc Olympique de M Drapeau » et s’en déclarait très satisfait.
Claude Phaneuf, B.A., B.Sc.A.
Un des trois pionniers concepteurs du Parc Olympique et du Stade.
Membre de l'OIQ de 1962 Ã octobre 2006.
Mai 2010