MON PREMIER PROJET DE STADE – JUIN 1971
« Un stade de 55 000 spectateurs et de 70 000 à 80 000 pour les Jeux
Olympiques, dans le quadrilatère
Pie IX – Sherbrooke – Viau – Boyce (maintenant Pierre-de-Coubertin) ».
Le défi m’était lancé, un défi de taille puisque je n’avais jamais fait de telles études et personne d’autre n’avait été demandé à travailler sur le Stade. Un Stade de 55 000 places assises n’existait pas au Canada. Nous serions les premiers.
Le défi était d’autant plus grand qu’il fallait concevoir un Stade pour le baseball, le football canadien et une piste d’athlétisme de 400 mètres, trois sports avec des géométries très différentes. Lors des audiences de la Commission parlementaire de janvier 1975 à Québec, M. Drapeau qualifia ce problème en ces termes … « Résoudre la quadrature du cercle », ce qui consistait à superposer 1) Un terrain de baseball américain, un carré de 330 pieds de côté ; 2) Un terrain de football canadien, un rectangle de 195 pieds de largeur et 480 pieds de long ; et 3) Une piste d’athlétisme de 400 mètres, mesurant 304 pieds de largeur et 580 pieds de longueur. Vous pouvez voir ces trois surfaces superposées au croquis #1 plus bas.
Je me suis mis à l’ouvrage les soirs, les nuits et les fins de semaine après mon travail normal de jour.
J’étudiai attentivement les formes des stades américains existants dans les petits livres de presse
« Dope book » que m’avaient obtenus les Frères Beaudry. Je calculai les revenus moyens lorsque ces
stades étaient pleins les fins de semaine et lors d’assistances moindres durant la semaine pour
arrêter le nombre de rangées de chaque niveau qui généreraient les revenus les plus élevés.
Peu à peu, je dégageai des constantes. Je fis des choix personnels. De là , je commençai à tracer
des formes en plan et des coupes. J’étudiai plusieurs lignes de visibilité. Après avoir
travaillé des nuits entières, je me soulageais les lendemains matins au bureau, en montrant le
résultat de mes recherches à un de mes amis, Claude Lacasse, ingénieur, le seul privilégié
puisque c’était ultra-secret.
Mon premier projet de Stade version juin 1971 prenait forme tranquillement. Mon premier objectif était de me familiariser avec les stades de baseball tout en identifiant les sujets « problèmes » pour en arriver à un projet complet.
Nous étions en mai 1971 et mes connaissances en matière de grand Stade augmentaient rapidement. J’avais un atout non négligeable, j’avais joué au baseball plusieurs années dans ma jeunesse et mes études d’ingénieur civil ajoutées à mes années passées sur près d’un (1) millier de projets de construction allaient m’aider à me « démarquer » des autres.
L’utilisation en phase permanente
L’utilisation.- Mon premier choix fut d’identifier pour quelle utilisation je devais concevoir notre grand Stade. Deux (2) semaines d’utilisation pour les Jeux olympiques ou des années d’utilisation permanente? L’utilisation annuelle du grand Stade pour les sports professionnels se résumait à « 82 parties de baseball américain et 7 parties de football canadien », plus des parties d’exhibition qui pouvaient se jouer durant l’hiver ou autres parties inter ligues. J’ai choisi de privilégier l’utilisation permanente tout m’assurant que les facilités pour la tenue des Jeux olympiques seraient respectées, principalement les cérémonies d’ouverture et de fermeture et l’athlétisme.
Un autre impératif s’ajoute ! La Ville de Montréal et
M. Drapeau s’étaient engagés envers notre équipe de baseball, nos Expos. Nous leur avions
fourni le stade du Parc Jarry, un stade temporaire, petit (28 500 personnes), trop petit
pour les ligues majeures américaines, mais chaleureux où les spectateurs étaient « proches » de
l’action. Nous les avions assurés qu’à court terme ils auraient un Stade digne des ligues majeures.
Ma 1ère présentation.- Les croquis de ce projet version juin 1971
terminés, j’en fis une présentation à Messieurs Pierre Charbonneau et Drapeau, au bureau du Maire.
Durant quatre heures, nous avons discuté de ce projet, des problèmes à prévoir, de la polyvalence du
Stade. M. Drapeau me rappelait constamment qu’il voulait un stade économique, à la portée de nos moyens
de payer. Pas de sur dimensions, le strict nécessaire. Il fallait prévoir l’Après-Jeux.
Ce projet avait un toit dont la partie centrale s’ouvrait par tranche triangulaire.
C’était un projet préliminaire que je voulais compléter après la visite de stades existants.
Je rappelai ma lettre du 29 avril 1971 à M. Charbonneau relative à la visite de stades
américains qui n’avait pas encore eu de suite.
Ma présentation terminée, M. Drapeau me demanda de montrer ce projet à mon Directeur dès le lendemain matin, sans mentionner notre séance de travail. Il ajouta : « Lorsque vous aurez terminé, dites à votre Directeur que je vous ai demandé par hasard ce que vous faisiez, … que vous m’avez répondu « Un premier projet est fait » et je vous ai dit « montrez-le à votre directeur et venez avec lui à mon bureau … pour que je le vois pour la première fois ».
Bien entendu, j’étais au bureau de mon Directeur en début de journée. J’étais excité et fier de voir que ce projet plaisait déjà . Je repris mes croquis et j’expliquai le détail du projet, etc. Je fus surpris de son attitude. Aucune question, aucun intérêt. Assis au plus profond de son fauteuil, il écoutait, à moitié ailleurs, la tête penchée vers l’arrière, comme s’il voulait dormir. Je terminai au bout d’une vingtaine de minutes. Il se redressa sur son fauteuil et me dit : « Tu n’avais pas à faire ce travail. Je ne t’ai rien demandé. » La veille, nous avions discuté quatre heures et là en 20 minutes, tout était consommé ! Mes débuts s’annonçaient difficiles.
Je fis part à mon Directeur de la demande de M. Drapeau. Sa réponse ne se fit pas attendre : « Je ne l’appellerai pas, je n’irai pas. » En milieu d’après-midi, M. Drapeau me rappela pour savoir si j’avais vu mon Directeur. Je dis « oui, à bonne heure ce matin ». Mais, je mentionnai que mon Directeur ne voulait pas l’appeler. M. Drapeau conclut : « C’est cet état d’esprit que je devrai combattre ».
Mes critères de conception
Mes critères de conception sont indiqués sur les deux photos jointes dans la section des autres documents, en bas de la page. En agrandissant ces photos, vous pourrez lire tous ces critères.
Projet de Juin 1971
En plus du Stade, deux étages de stationnements étaient planifiés sous la pelouse.
Le coût de ce projet : $35,8 Millions. Le Métro desservirait le Stade directement
sans sortir à l’extérieur, ce qui fait qu’en hiver un touriste pouvait partir de sa chambre
au Reine Élisabeth et venir au stade sans manteau.
Mon dossier officiel contenait 36 pages, des croquis, des calculs, des évaluations de coûts et de revenus, des données sur tout le contenu intérieur, des renseignements manquants et les éléments à étudier dans divers stades existants. Je vous fais grâce de certaines pages de calculs. Toutefois, vous verrez 4 croquis affichés plus bas, précisant ce projet et vous pourrez consulter 11 autres pages du projet en cliquant sur les liens indiqués.
Pour la première fois en trente-huit ans, je produis les 4 croquis suivants de mon premier projet de Stade de Juin 1971 présentés à Messieurs Charbonneau et Drapeau, soit
Croquis #1
Vue en plan du 1er Balcon
Piste de 400 mètres.
Aire de jeu Baseball américain.
Aire de jeu Football canadien.
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Croquis #1: Vue en plan du 1er balcon
Cliquez sur la photo pour agrandir
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Croquis #2
Vue en plan du 2ième Balcon
Piste de 400 mètres.
Aire de jeu Baseball américain.
Aire de jeu Football canadien.
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Croquis #2: Vue en plan du 2e balcon
Cliquez sur la photo pour agrandir
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Croquis #3
Toiture
Partie fixe et mobile
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Croquis #3: Toiture - Partie fixe et Mobile
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Croquis #4
Vue d’élévation - Coupe
Terrain existant vs roc. Niveaux.
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Croquis #4: Vue d'élévation et Coupe
Cliquez sur la photo pour agrandir
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Autres documents du projet – Juin 1971
Pourquoi ne pas avoir parlé de ce travail dès le début ? À trois reprises au cours des années, je fus forcé de révéler ce projet sous serment, une première fois lors de mon témoignage à la Commission Malouf en 1978, une deuxième fois au procès de la RIO contre M. Taillibert, celle-ci a mis en preuve ces travaux pour réduire les honoraires à payer à M. Taillibert et une troisième fois à mon propre procès en septembre 2000 où la RIO n’a pas reconnu ce travail et n’a pas payé non plus même si elle s’était engagée à le faire ! Comme pour M. Taillibert, Québec m’identifiait « un gars à M. Drapeau ».
M. Drapeau aurait pu le révéler … … n’eut-été sa grande amitié avec M. Taillibert.
Claude Phaneuf, B.A., B.Sc.A.
Un des trois pionniers concepteurs du Parc Olympique et du Stade.
Membre de l'OIQ de 1962 Ã octobre 2006.
Ce 19 novembre 2009