LES STADES AMÉRICAINS ET MEXICO
Messieurs Gerry Snyder et Pierre M. Charbonneau organisèrent le voyage suggéré par
M. Drapeau lors du dîner d’avril 1971, M. Snyder s’occupant des stades américains
et M. Charbonneau des Installations de Mexico, ville hôtesse des Jeux olympiques de 1968.
M. Drapeau voulait impliquer tout le Service des travaux publics et il demanda que des responsables du Service participent à ce voyage, question de les intéresser. Mon Directeur fournit la liste des personnes qu’il voulait amener avec lui. Mon nom n’y était pas ! Merde. Pourtant, il savait où j’en étais rendu dans mes études ; il venait tout juste de voir mon projet de juin 1971. La liste revint … avec mon nom en plus. Messieurs Ron Piché et Harry Reneault des Expos nous accompagnaient pour faciliter la visite des stades américains, Los Angeles, Anaheim, San Diego et Houston, de fin juin au 5 juillet 1971.
L’équipe de notre Service des Travaux publics se composait de notre Directeur, de l’Architecte Adjoint de la Ville, des surintendants des Divisions des Ponts et Charpentes et de l’Aménagement des Parcs.
Un aparté « The Bears family ».- Pour agrémenter nos journées pas toujours faciles même en voyage … de travail, nous avions baptisé notre famille d’ours, soit M. Gerry Snyder, le bon « Papa Bear » qui organisait bien nos visites des stades américains et qui choisissait de très bons restaurants, M. Charles-Antoine Boileau, notre « Mama Bear » qui nous surveillait du coin de l’œil, et moi le jeunot « Bébé Bear ». Plus tard, en novembre 1971 lors d’un voyage à Munich et Paris, nous avons complété la famille avec M. Taillibert, que M. Snyder et moi surnommions en secret notre « Teddy Bear » (M. Taillibert ne l’a jamais su ; il le saura maintenant !). Ce dernier surnom ne plaisait pas à M. Drapeau, mais donnait de la saveur à nos discussions.
J’ai réussi à prendre toutes les mesures que je prévoyais. J’avais préparé des feuilles types où je n’avais qu’à écrire ces mesures. Durant le jour, je traînais toujours de la patte puisque je devais tout mesurer et noter ce qu’il y avait sur chaque étage. Le soir ou la nuit au retour de nos bons soupers, je reprenais mes notes et je les ordonnais. Avec les mesures prises, j’ai réussi à dessiner la coupe de chaque stade visité. Je pus localiser toutes les facilités sur chaque étage, y compris le plan des chambres des joueurs pas toujours facile d’y pénétrer. D’ailleurs, j’ai retenu la conception de la chambre des joueurs d’Anaheim dans mon projet de septembre 1971 et c’est sur ce modèle que fut construite la chambre de nos Expos. Puis, le voyage se poursuivit à Mexico. Photos des Stades de Houston, Los Angeles et San Diego.
Houston
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Los Angeles
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San Diego
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Mexico, site des Jeux olympiques de 1968: pour obtenir de précieux renseignements sur les installations, leurs coûts, les dépenses et les revenus.
Après Houston, nous arrivâmes à Mexico, une ville magnifique et riche d’histoire et d’architecture. Les sites visités : Le Stade olympique de 80 000 personnes, le Stade Azteca pour le soccer - 100 000 personnes, le Centre de natation - 24 000 personnes, le Gymnase de Volley ball - 5 000 personnes, le Bassin d’aviron, le Village des athlètes, les sites d’entraînement, le Palais des Sports pour la gymnastique - 13 500 personnes, le Vélodrome - 5 500 spectateurs et le Champ de tir, un excellent complément aux renseignements obtenus à Munich en mars quelques mois auparavant.
M. Drapeau a retenu plusieurs idées de l’expérience “ Mexico ”. D’ailleurs, lors de nos discussions, il avait toujours des principes clairs et simples, tirés de ses rencontres avec les responsables de Mexico et de la revue “ La Arquitectura y el deporte ”, revue architecturale qui fut publiée après les Jeux de 1968, une coutume qui se répète de Jeux en Jeux.
À Montréal, les coûts des constructions ne veulent rien dire puisqu’ils ont été tripotés, exagérés, gonflés, payés pour rien. Comparons tout de même certains coûts de Mexico avec ceux de Montréal, même si ces constructions ont été réalisées 6 à 8 ans avant les nôtres. En regardant de près ces coûts, point n’est besoin d’ajouter que nous nous sommes fait tromper. L’inconnu de cette tromperie est le « Comment ». Ce site de la Vraie Vérité vous aidera à trouver les vrais responsables.
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Mexico
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Montréal
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Stade Olympique
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$492,8 millions
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Toiture mobile, toile, etc.
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nil
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$225,0 millions
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Mât
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nil
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$68,1 millions
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Centre de natation
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$3,6 millions
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$51,3 millions
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Vélodrome Olympique
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$1,2 millions (découvert)
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$74,5 millions (couvert)
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Palais des Sports
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$8,5 millions
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Gymnase Olympique Oriental
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$1,2 millions
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Gymnase Olympique Sud
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$2,6 millions
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$52,4 millions
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Village Olympique
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$12,5 millions
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$95,5 millions
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Centre de presse et polyvalent
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$2,7 millions
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Bassin d'aviron
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$2,6 millions
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$25,1 millions
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M. Drapeau a annoté dans ce livre que j’ai oublié de lui remettre les principaux sujets à retenir :-
** Les constructions furent réalisées sous la Direction du Ministère des Travaux publics provincial.
** À des coûts de construction très bas, voir le Tableau ci-dessus.
** Les responsables de programme des bâtiments débutent avant la participation des architectes.
** Les dômes et toits suspendus favorisent les grandes portées sans colonnes dans les bâtiments sportifs.
** Recherche de structures légères et économiques avec de grandes ouvertures.
** Utilisation de matériau de base et main d’œuvre bon marché.
Un ajout, visite du Stade de Philadelphie
Au retour de Mexico, M. Charbonneau me demande si notre voyage m’avait permis de trouver la réponse à mes questions. Je lui réponds « oui » pour la plupart des sujets en suspens. Je conclus que la majorité des stades visités étaient localisés sur la côte du Pacifique où le climat est très différent du nôtre. J’aurais aimé voir les stades de Philadelphie et de St-Louis, plus appropriés pour nous et avec estrades mobiles particulières (St-Louis).
St-Louis
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Philadelphie
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Deux semaines plus tard, tout le groupe fit une visite éclair d’une journée au stade des Vétérans à Philadelphie. Quant au stade de St-Louis, je l’ai visité en septembre 1971 avec M. Taillibert.
Comme il se devait, au retour notre Directeur réunit les notes de tous les participants et il remet son rapport final de tout le groupe, le mien compris. Son rapport avait 4 ou 5 pages pour 15 jours de visites dans une vingtaine d’installations sportives ce qui surprit M. Drapeau. Il me demanda le mien de 12 pages et plus 20 pages de notes !
Qu’est-ce qui se préparait dans la bergerie, dans notre groupe de travail ? Est-ce que notre Directeur avait les mêmes objectifs que M. Drapeau ?
Notre défi « Un Stade meilleur que les stades américains visités »
En 1971, la grande majorité des stades construits aux États-Unis étaient circulaires et en acier, un produit plus dispendieux que le béton, mais facile à ériger et dangereux lors de feu. C’était de l’architecture facile, à bon marché, pas appropriée pour des Jeux Olympiques. Le contenu Nord-Américain à l’intérieur était bien diversifié avec toutes les facilités pour les spectateurs qui n’avaient à se déplacer sur de longues distances pour les atteindre. Cette conception favorisait de bons revenus et c’était à imiter quant à moi.
Vue d'élévation
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La conception d’un stade consiste à définir la répartition en plan des gradins et la coupe des balcons superposés les uns au-dessus des autres, sans colonnes apparentes pour gêner la visibilité des spectateurs partout où ils s’en trouvent dans le stade. Pour le faire, l’utilisation de poutres en porte-à-faux est préférable. Notre console courbée vers le haut règle ce problème comme l’indique sa vue d’élévation (coupe des balcons).
Aux États-Unis, les concepteurs utilisaient des poutres supportées par des colonnes distantes de 25 à 30 pieds chacune. Les spectateurs qui se promenaient sous les gradins voyaient ces colonnes qui se succédaient tout le tour du bâtiment.
Le béton est un matériau plus économique que l’acier, avec ses composantes naturelles, sable, pierre et l’élément de liaison le ciment. Imitant le Parc des Princes que j’avais visité quelques mois auparavant, pour que l’opération soit la plus économique, il fallait opter pour la préfabrication des pièces, soit en usine ou sur le site. M. Taillibert connaissait à fond cette méthode et il l’avait expérimentée avec succès sur ses projets. Ainsi, nous pouvions mieux contrôler la qualité des pièces. Peu de pièces sont à reprendre, nous sommes à l’abri des grèves, le Stade s’érige rapidement et nous obtenons le coût le plus bas.
J’ai trouvé dans ce voyage la réponse à mes questions. J’ai découvert plusieurs éléments à considérer et des lacunes à éviter. Dès mon retour, je revois mes notes et je retravaille mon projet de juin 1971.
Pour conclure sur mes visites de tous ces stades
Ma conclusion. Construire un Stade en béton parce que c’est le matériau le plus
économique et le plus propice à des lignes architecturales uniques.
Dans ces années, qui construisait des bâtiments sportifs en béton très à propos
pour un Stade Olympique, où l’utilisation de la préfabrication des pièces
structurales maîtresses était la solution la plus économique ? L’Architecte Roger
Taillibert. Qui construisait des
poutres porteuses en porte-à-faux de 125 pieds de long et plus ? L’Architecte
Roger Taillibert. Qui dominait les contraintes complexes des structures telles
que consoles, arcs et voiles minces de béton qui exigent l'application très subtile
de la précontrainte et de la post-contrainte dont Eugène Freyssinet, l’ingénieur
français, a créé la géniale théorie « ce que
j’appelle la fameuse technique française » et qui avait comme collaborateur
le polytechnicien Louis Billotey, ingénieur et ancien élève de M. Freyssinet ?
L’Architecte Roger Taillibert.
Note.- Pour voir le texte du discours prononcé le 7 décembre 1983 par M. Guillaume
Gillet, Président de l’Académie des Beaux-arts de l’Institut de France, lors de la
réception de M. Taillibert, élu membre de la section Architecture,
cliquez ici.
Claude Phaneuf, B.A., B.Sc.A.
Un des trois pionniers concepteurs du Parc Olympique et du Stade.
Membre de l'OIQ de 1962 à octobre 2006.
Mai 2010